Le Kirikaeshi (切り返し) est l’exercice de base le plus emblématique du Kendo. Il consiste en une succession de frappes sur le Men, combinant une attaque frontale et des attaques latérales en diagonale, en avançant puis en reculant.
Bien plus qu’un simple échauffement, c’est un condensé de toute la technique du sabre. Comme on le dit souvent au dojo : « Le Kendo commence et finit par le Kirikaeshi. » Il permet de forger un corps solide, d’améliorer la coordination et de développer un Kiai (cri libérateur) puissant.
Pourquoi le Kirikaeshi est-il indispensable ?
La pratique régulière du Kirikaeshi permet d’acquérir les fondamentaux que chaque jury de grade observe attentivement :
- Le Ki-Ken-Tai-Ichi : L’unité entre l’esprit (énergie), le sabre et le corps.
- La souplesse des épaules : Pour une coupe fluide et non heurtée.
- La distance (Ma-Ai) : Apprendre à frapper avec le Monouchi (partie utile de la lame) tout en se déplaçant.
- La respiration : Développer l’endurance en enchaînant les frappes sur une seule expiration.
Il entraîne le kendoka à se déplacer efficacement et améliore la coordination des bras et des jambes. Il développe également l’agilité et une plus grande capacité respiratoire. L’esprit, le corps et la technique s’unifient. Les frappes deviennent précises, détendues et équilibrées.
Pratiquer le kirikaeshi demande une concentration totale et une dépense physique considérable. L’entraînement ne se limite pas à la simple exécution de gestes : il s’agit d’une véritable quête de l’harmonie entre le ki, le ken et le tai. Le ki représente l’esprit et l’intention de l’attaque, le ken la maîtrise du sabre, et le tai le mouvement du corps. Seule l’union parfaite de ces trois éléments garantit la validité et l’efficacité de la frappe, illustrant ainsi la philosophie du kendo.
Pour le débutant, cet exercice peut sembler éprouvant, car il demande de frapper avec force et rapidité tout en respectant la technique correcte. Toutefois, cet effort initial est indispensable pour développer persévérance, contrôle et agilité. Avec le temps, le kendoka apprend à doser sa puissance, transformant des gestes larges en mouvements rapides et précis selon l’adage « Dai Kyo Soku Kei » (大強速軽), qui se traduit par « grand, puissant, rapide, souple« .
Au-delà de l’aspect technique, le kirikaeshi enseigne également l’importance du maai, cette distance stratégique entre les adversaires, et la coordination fine de la respiration et de la vocalisation. Chaque mouvement compte et contribue à l’ensemble de la technique, faisant de cet exercice le fondement même de la maîtrise du kendo. Ainsi, pratiquer le kirikaeshi, c’est s’initier à une méthode rigoureuse et exigeante, mais ô combien gratifiante, qui sculpte le corps et affûte l’esprit.
Guide Pratique : La Structure de l’Exercice
Le Kirikaeshi se décompose en trois phases distinctes. Chaque frappe doit être effectuée avec une extension complète des bras, en sentant la rigidité de la Tsuka (poignée) dans la main gauche et la souplesse du cuir dans la main droite.
1. Le Shomen initial
On commence par un grand Shomen (frappe à la tête) en avançant depuis la distance de combat. L’important ici est l’engagement total du corps. Après l’impact, on entre en Tai-atari (contact corporel) : les hanches sont stables, le dos droit, pour ne pas être déséquilibré par le partenaire.
2. Les frappes latérales (Sayu-Men)
C’est le cœur de l’exercice. On effectue des coupes à 45° sur les tempes du partenaire.
- Aller (4 pas) : On avance en frappant alternativement à gauche puis à droite (en commençant par le côté gauche du partenaire, donc votre droite).
- Retour (5 pas) : On recule en maintenant le même rythme de frappe.
Le conseil du club : Veillez à ce que votre sabre repasse toujours par la ligne centrale (le centre de votre propre Men) avant de repartir en diagonale. Ne faites pas de « petits essuie-glaces » devant vous ; cherchez la grande amplitude.
3. Le Shomen final
Après la série de recul, on reprend une distance correcte pour délivrer un dernier Men central explosif, en traversant le partenaire avec détermination.
Tableau de Synthèse : Les points clés de contrôle
| Phase | Action Technique | Point de vigilance |
| Tai-atari | Contact des mains/corps | Garder les coudes bas et le bassin engagé. |
| Sayu-Men | Frappes à 45° | La main gauche reste sur l’axe central (Tenouchi). |
| Ashi-Sabaki | Déplacement des pieds | Glisser sur le sol (Okuri-Ashi) sans sauter. |
| Respiration | Le Kiai constant | Ne pas reprendre son souffle pendant les 9 frappes. |
Le rôle du Motodachi (Le partenaire qui reçoit)
À Bordeaux, nous insistons sur le fait que le Kirikaeshi est un travail à deux. Le Motodachi ne doit pas être passif.
- Présenter la cible : Placez votre sabre pour recevoir les coups sur le tiers supérieur de votre lame.
- Maintenir la distance : C’est vous qui guidez le rythme en reculant de manière régulière.
- Encourager : Par votre posture et votre regard (Metsuke), vous poussez l’attaquant à se dépasser.
FAQ (Foire Aux Questions) sur le Kirikaeshi
Pourquoi mon Shinai glisse-t-il pendant les frappes latérales ?
Vérifiez la tension de votre Tsuru (cordon jaune/blanc sur le dos du sabre). Si elle est trop lâche, le sabre perd sa cohérence. Assurez-vous aussi que vos mains ne sont pas trop serrées : le sabre doit « respirer » dans vos paumes.
Dois-je frapper fort sur le sabre du partenaire ?
Non. L’objectif est d’atteindre le Men (le casque). Le partenaire intercepte votre frappe. Vous devez viser la tête, pas le sabre du Motodachi.
Comment ne pas être essoufflé avant la fin ?
Travaillez votre expiration longue. Le cri ne doit pas être aigu et de gorge, mais venir du bas-ventre (le Hara). C’est la clé de l’endurance en Kendo.
